Avignon tente de concilier tourisme et déplacements urbains
Laurent COMELIAU, Nathalie HOLEC, 1999
Cette fiche présente les enjeux du tourisme de masse à Avignon.
La ville d’Avignon, 89 500 habitants, capitale de la chrétienté au XIVème siècle, est connue pour son patrimoine architectural remarquable et notamment la présence du plus grand palais gothique du monde. Tout un périmètre de la cité (Palais des Papes, une partie des remparts, Pont St-Bénézet, etc.) a été classé " Patrimoine Mondial de l’humanité « par l’UNESCO. La ville possède également une renommée internationale du fait du festival de théâtre qui se tient au mois de juillet chaque année depuis 50 ans. La ville a par ailleurs été élue capitale française de la culture pour l’année 2000 par les instances européennes.
Ces atouts touristiques expliquent que plus d’un million de touristes ait été accueilli à Avignon en 1996. Pour le seul mois de juillet 2000, la municipalité estime le nombre de visiteurs à 500 000, soit une augmentation de 30 à 40 % par rapport à 1999. Entourée de fortifications, le centre-ville historique souffre de cette forte affluence touristique, en particulier en été. Pour répondre aux exigences de la population en matière de qualité de vie et de propreté urbaine, sans diminuer les ressources économiques de la ville émanant principalement du tourisme, la municipalité se devait de réagir.
Un schéma de développement touristique intégré…
Le schéma directeur pour le développement de l’économie touristique à Avignon et dans le " Grand Avignon " a été adopté au premier semestre 2000 par le Conseil Municipal, sur la base d’un diagnostic suivi de propositions, mises en œuvre à partir de 1998. Ce schéma est le fruit d’une démarche transversale et multi-acteurs menée par le service Tourisme de la ville ; il a en effet été réalisé avec une centaine de personnes représentatives des acteurs touristiques (services municipaux, chambres de commerce et d’industrie, commerçants, office de tourisme, agences de voyage, associations, architectes, entreprises de transport,…). A partir d’une vision partagée par l’ensemble des partenaires, le schéma définit, à court et moyen terme, un cadre planifié pour le développement touristique. Des forums de travail réguliers sont prévus avec l’ensemble des partenaires ainsi qu’une évaluation annuelle des avancées.
Le schéma directeur retient trois objectifs principaux pour « maximiser les retombées économiques à travers le tourisme » : mieux accueillir et gérer les visiteurs, mieux promouvoir Avignon/Grand Avignon en tant que destination touristique, mieux adapter l’offre culturelle et touristique aux besoins et aux attentes des visiteurs. Du point de vue du développement urbain durable, l’aspect le plus intéressant concerne l’interface tourisme/déplacements.
…pris en compte au niveau du Plan des Déplacements Urbains.
Face à la congestion du centre historique ancien, principalement pendant la période estivale, Marie-Josée Roig, Maire de la ville, a décidé de réduire la circulation automobile et d’encourager les modes de déplacements doux à l’intérieur des remparts, comme le souhaitait 80 % des Avignonnais. La mairie a cependant dû revoir à la baisse ses ambitions, compte tenu de l’opposition des commerçants. Le Plan de Déplacements Urbains soumis à enquête publique au cours de l’été 2000 reflète ces oppositions.
Le PDU s’est donné pour objectif de rendre le centre-ville plus attractif sur un plan touristique et commercial mais aussi pour les habitants. Une série de mesures a donc été proposée comme l’utilisation de bus de moyenne capacité et peu polluant adaptés au tissu urbain ancien de l’hyper-centre, la mise en place d’un service d’information sur les moyens de déplacements, la nécessité de faire respecter les stationnements interdits, la mise en place de parkings-relais situés à proximité des remparts et relayés au centre-ville par des navettes. Ces parkings, gratuits et surveillés, existent déjà ; l’un accueille, depuis l’été 2000, des vélos en location ; un autre pourrait servir au stationnement des cars de tourisme en complément de ceux existants.
Le PDU fait cependant état d’un grand nombre de contradictions que la municipalité devra s’attacher à résoudre. Par exemple, il semble impossible de supprimer à court terme les stationnements aux pieds des remparts, par manque de places ; or, ces stationnements vont à l’encontre de la mise en valeur d’un des atouts de l’agglomération. En matière de stationnement, il est notamment proposé d’instaurer un péage pour les cars de tourisme afin de financer un parc de stationnement avec gardiennage de nuit ou encore que la poursuite de la construction des parcs de stationnement publics dans l’hyper-centre soit conditionnée à un accès automobiles situé à l’extérieur des remparts.
Un Plan très controversé
Les associations d’environnement et de qualité de vie dénoncent la faiblesse des ambitions du PDU qui prévoit seulement une augmentation de 3 km de pistes cyclables supplémentaires et une diminution de 30 places de parking par an. De plus, elles regrettent l’absence d’approche intercommunale (rendue difficile par le fait que la ville se situe à cheval sur 3 départements et 2 régions) ou encore le manque de volonté d’extension des zones sans voitures.
A l’inverse, les commerçants s’opposent à la réduction de l’automobile en centre-ville d’autant plus qu’Avignon est la ville française qui compte le plus de grandes surfaces commerciales au m2, qui présentent l’avantage d’offrir des accès faciles et des parking gratuits.
La localisation de la gare TGV d’Avignon, qui se situe à Courtine, à 5 ou 6 kilomètres des remparts, pose des problèmes en termes d’accessibilité au centre et de circulation en ville, même si des navettes gratuites à destination du centre sont mises à disposition des voyageurs. Le maire d’Avignon se bat pour le moment sans succès pour qu’une liaison ferroviaire soit construite entre la nouvelle ligne TGV et la ligne actuelle, ce qui permettrait à certains trains d’arriver dans l’ancienne gare.
Face à l’afflux record de touristes de l’été 2000, le président de la Fédération départementale de l’industrie et des métiers de l’hôtellerie du Vaucluse déclarait dans le journal Le Monde (28/7/00) qu’en termes de structures d’accueil et de services aux touristes « On est aux limites ». Le problème des déplacements, en particulier, est criant. Le PDU mis en place donne un début de réponse à la congestion automobile en centre-ville, mais sans doute de manière insuffisante. Avignon se tourne petit à petit non seulement vers d’autres villes françaises plus en avance dans leur PDU, mais aussi vers des villes européennes qui se trouvent dans un contexte proche ; la ville italienne de Lucques a ainsi réussi avec succès à interdire la voiture à l’intérieur de ses remparts, motivée par la sauvegarde de son patrimoine.
« Une capitale européenne de la Culture se doit de montrer l’exemple, y compris en termes d’éthique et de modes de vie. » estime l’ancien adjoint à l’environnement. Avignon offre sans aucun doute un bon terrain d’expérience pour initier un plan global de développement touristique urbain durable, soucieux en particulier de gérer les déplacements.
Le PDU d’Avignon a finalement été adopté par le Syndicat Intercommunal des Transports Urbains (SITURA) le 2 février 2001. Mais le Préfet du Vaucluse, après consultation de la Direction des Transports Terrestres, a estimé que ce plan ne répondait pas aux objectifs de la loi. Il a donc demandé au SITURA d’élaborer un nouveau PDU sans tarder. Aux dernières nouvelles, le SITURA a pris une nouvelle délibération en mai 2001 engageant la révision du PDU sur les bases formulées par l’Etat.