Mise en place d’Equipes Mobiles pour lutter contre les expulsions dans le Gard

décembre 2022

Dans le cadre d’une expérimentation nationale survenue au lendemain de la crise sanitaire, l’ADIL du Gard s’est saisi du dispositif des Equipes Mobiles en s’associant avec l’association Soliha pour proposer un accompagnement socio-juridique à des ménages menacés d’expulsion, pas ou peu connus des services sociaux de droit commun.

Contexte

Contexte territorial

Le département du Gard, situé à l’Est de la région Occitanie, compte 751 450 habitants en 2020 1. Territoire attractif, sa population n’a cessé d’augmenter depuis les années 1960 et il enregistre une croissance démographique positive toutefois inférieure à celle de la région (+0,3% entre 2014 et 2019 contre +0,7% en Occitanie durant la même période).

La population gardoise est relativement âgée, les plus de 60 ans représentant près d’un tiers des habitants en 2020 (30,2% contre 29,2% en Occitanie et 26,5% en France). Le département enregistre un taux d’actifs de 71,6%, inférieur à la moyenne régionale de 73,3%. Cela s’explique notamment par un taux de chômage particulièrement élevé et en progression dans le Gard (16% contre 13,9% dans la région et 12,3% à l’échelle nationale)2. D’autres indicateurs témoignent d’une certaine fragilité du territoire : le revenu médian de 20 740 est inférieur à celui enregistré en Occitanie (21 420) et en France (22 400), tandis que le taux de pauvreté gardois de 19,4% en 2020 est bien supérieur aux moyennes régionales (16,8%) et nationales (14,4%). C’est ainsi près d’un gardois sur cinq qui vit sous le seuil de pauvreté.

Le territoire du Gard est classé comme en tension « modérée » au regard du marché du logement. La part de logements sociaux de 12,3% dans le département est particulièrement faible (elle s’élève à 17,2% en France), malgré une hausse des demandes plus rapide que la croissance de la population3. Ces logements sociaux sont principalement concentrés dans les villes-centre des aires urbaines gardoises, et quasiment absents des zones plus rurales.

Contexte de la prévention des expulsions

L’engagement de l’ADIL du Gard en faveur de la prévention des expulsions

Depuis plusieurs années, l’ADIL du Gard mène différentes actions qui s’inscrivent dans le cadre de la prévention des expulsions :

Contexte et déploiement du dispositif des Equipes Mobiles dans le Gard

La crise sanitaire survenue dès 2020 a laissé craindre une hausse massive des expulsions locatives liées aux impayés de loyer, suite au prolongement de la trêve hivernale et la précarisation d’une partie de la population. Afin de répondre à cette problématique, l’Etat a lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) à destination de partenaires territoriaux pour la création d’Equipes Mobiles, s’inscrivant dans une logique d’ « aller-vers ». Cette mission s’appuie sur des binômes constitués de juristes et de travailleurs sociaux qui s’adressent à des ménages en difficulté menacés d’expulsion, non-accompagnés et pas – ou peu – connus des services sociaux.

Compte tenu de son expertise en matière de prévention des expulsions, l’ADIL du Gard a sollicité la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DDETS)5 et a finalement été retenue pour porter le dispositif d’Equipes Mobiles dans le département.

Contenu de la mission

Cadre de la mission

L’Equipe Mobile du Gard résulte de la collaboration entre les juristes de l’ADIL et l’association Soliha6, qui est le prestataire en charge du volet social dans le cadre de la mission. 3 Emploi Temps Plein sont dédiés à l’Equipe Mobile. Deux travailleurs sociaux de Soliha sont mobilisés à mi-temps sur le dispositif, et 2 juristes de l’ANIL sont référents sur la mission.

Partenaires mobilisés dans le cadre de la mission

Public cible

L’ADIL intervient auprès des ménages menacés d’une procédure d’expulsion :

L’orientation et le repérage des ménages menacés d’expulsion

La Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DDETS) constitue à partir du logiciel EXPLOC un fichier recensant des ménages en situation d’impayé ayant reçu un Commandement de Payer (CDP). Ce fichier est transmis à la Caisse des Allocations Familiales (CAF) et à la Mutualité Sociale Agricole (MSA) qui transmettent ensuite les fichiers de leur public vers le Conseil Départemental 8. Les fichiers des autres ménages, non-connus des services de la CAF et de la MSA, sont alors transmis à l’Equipe Mobile.

La prise de contact par l’Equipe Mobile, au stade du commandement de payer :

Auprès du locataire :

L’ADIL peut transmettre le dossier d’un ménage à son partenaire Soliha pour qu’il prenne contacte dans trois cas de figure :

Soliha rend alors compte à l’ADIL de l’échange survenu avec le ménage.

Auprès du bailleur :

L’ADIL contacte prioritairement le gestionnaire du logement par téléphone. Sans réponse, elle lui adresse un courrier. Les bailleurs peuvent également contacter la ligne de l’Equipe Mobile et le numéro « SOS Loyer Impayé » et éventuellement laisser un message. Dans le cas de certaines agences immobilières, le juriste de l’ADIL connaît l’huissier en charge du dossier et peut s’adresser directement à lui lorsqu’il ne parvient pas à contacter le bailleur.

L’accompagnement par l’Equipe Mobile

Lorsque le ménage répond favorablement à l’ADIL, elle prend en charge le dossier dans un premier temps pour proposer un accompagnement juridique au ménage. Un premier rendez-vous est proposé par téléphone, à l’ADIL ou éventuellement à domicile, notamment quand les personnes ne peuvent pas se déplacer.

Selon sa situation, L’ADIL décide ensuite de l’orientation du ménage vers des travailleurs sociaux du Conseil Départemental (de droit commun) ou vers Soliha dans les cas où :

Dans tous les cas, le ménage bénéficie d’un accompagnement juridique par l’ADIL qui établit une stratégie adaptée aux besoins :

L’ADIL informe, oriente et conseille ainsi le ménage au regard de différentes thématiques : procédure d’expulsion, délais, ouverture de droits… notamment grâce à la présence d’une juriste présente depuis de nombreuses années qui a acquis une grande connaissance au-delà du juridique, sur le volet social.

Après plusieurs mois d’accompagnement, les informations recueillies sur la situation du ménage, la stratégie établie et les démarches engagées font l’objet d’un diagnostic qui est transmis à la DDETS dans un tableau.

L’accompagnement des ménages par l’Equipe Mobile conditionnée au stade de l’assignation et au-delà

Au départ, les ménages qui se trouvent au stade de l’assignation ou à un stade plus avancé de la procédure ne sont pas orientés vers l’Equipe Mobile.

En revanche, certaines personnes contactées au moment du commandement de payer et qui ont alors répondu favorablement à l’ADIL peuvent être recontactées au moment de l’assignation. Si elles n’ont pas répondu, elles ne peuvent pas être réintroduites dans le cadre de l’Equipe Mobile.

Bien que l’accompagnement de l’Equipe Mobile porte sur des ménages qui ont reçu un commandement de payer, l’ADIL peut parfois poursuivre un accompagnement après l’assignation lorsqu’elles ont déjà été accompagnées au stade amont. L’ADIL continue alors à se faire un relais et à orienter le ménage pour ne pas l’abandonner sans pour autant lui faire bénéficier d’un réel accompagnement social.

Eléments de bilan de l’action

Le public effectivement rencontré par l’ADIL

Les constats portés à l’égard des ménages accompagnés par l’Equipe Mobile sont les suivants :

La part des personnes seules est aussi révélatrice d’un isolement social, particulièrement important chez les personnes âgées.

Une généralisation de l’ « aller-vers » qui dépasse le dispositif

Face aux restrictions liées à la crise sanitaire, l’ADIL du Gard a su s’adapter et prendre les devants pour maintenir le contact avec les ménages qu’elle accompagnait, la nécessité d’appeler les gens se faisant particulièrement ressentir. Cette période a ainsi favoriser une généralisation de l’ « l’aller-vers » qui s’est faite naturellement.

Le contact téléphonique est ainsi privilégié, et peut donner lieu dans un second temps à un rendez-vous en physique dans les bureaux de l’ADIL. Les locataires sont particulièrement demandeurs de ce type de rencontres, notamment car ils ont peu l’occasion de communiquer avec leur bailleur en dehors de courriers.

Constats et perspectives

  • Le relogement des personnes peut s’avérer particulièrement compliqué dans un territoire aussi tendu que le Gard, notamment à Nîmes. Le logement social est aussi difficilement accessible compte tenu d’un nombre important de demandes.

  • Le volume des dossiers reçus est très important et nécessite une organisation considérable pour y répondre. Il y a un décalage entre la faiblesse des moyens et l’ampleur des missions, le budget étant alloué à la mission n’étant pas au niveau des besoins notamment en termes de poste.

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