Le laisser-faire des administrations face aux agences d’aide, aux ONG et aux organisations populaires
Ndiogou FALL, Bernard LECOMTE, March 1996
Dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale (DPH)
Cette fiche a été réalisée à partir d’une interview de Ndiogou Fall par Bernard Lecomte, le 2 octobre 1995. Elle met en avant le désengagement de l’État dans les politiques de développement local et la manière dont les ONG et les Fédérations locales construisent des partenariats pour répondre aux besoins des territoires ruraux.
« Ce qu’on constate du côté de l’État, c’est qu’avec les politiques de désengagement, maintenant, l’État est passif. Quand les autres prennent des initiatives, il ne dit pas non, il ne dit pas oui. Un peu comme si les fonctionnaires se disaient : « Moi, ce n’est plus mon affaire ce que vous allez faire avec ces gens-là. Négociez si vous le pouvez. Défendez-vous si vous le pouvez ». C’est un peu l’attitude de l’État parce qu’il n’est plus sur le devant de la charrette. Il n’est pas contre notre effort, il fait même des ouvertures.
Depuis que le Comité National de Concertation des Ruraux (CNCR) existe (1994), la discussion entre les fédérations d’organisations rurales (et de pêcheurs), les administrations centrales et les agences publiques d’aide (Banque Mondiale, Union Européenne, etc.) s’est concrétisée.
Prenons l’exemple du Programme National de Vulgarisation Agricole (PNVA) soutenu par la Banque Mondiale. Désormais, les agents du PNVA travaillent directement avec les organisations de base des associations membres de la FONGS (Fédération des ONG Sénégalaises). Au départ, c’était réservé uniquement aux structures de l’État. Cela a été contesté énergiquement par la FONGS avec l’argument : « Il n’est pas normal que ce programme soit réservé spécialement à des structures de l’État ». Alors, le programme a été ouvert aux associations paysannes. Mais maintenant, il faut revoir la manière de faire la vulgarisation. Il ne suffit pas que le PNVA nous dise : « Vous êtes impliqués » et continue à travailler avec les mêmes méthodes. Par exemple, le système d’identification des thèmes de vulgarisation venait du niveau national où il était décidé par quelques personnes. La FONGS a dit : « Nous ne pensons pas que ce soit bon comme cela : chacun peut donner comme chacun peut également recevoir ». Le système d’information et le transfert des connaissances du haut vers le bas ne marche plus ; il faut faire l’effort de travailler d’abord avec les organisations de base, de voir les thèmes qui les intéressent et de fonder la vulgarisation sur leur choix. Et aujourd’hui, la FONGS doit faire l’effort d’aider les autres fédérations du CNCR à faire remonter les informations vers le PNVA.
Nous aussi, dans notre manière de collaborer, on doit chercher la durée. Il y a des agences d’aide qui ne sont pas faciles à convaincre ; il faut du temps pour la compréhension, du temps pour changer, etc. Nous aussi, nous devons avoir la patience de laisser ces gens-là réfléchir. Si elles acceptent de chercher un type d’appui efficace et viable, on peut travailler avec les agences publiques à condition qu’on ait la possibilité de construire un partenariat et non des projets de coopération ».
Sources
GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement)
To go further
Programme National de Vulgarisation Agricole (Français), Banque Mondial, 1999
Site du Comité National de Concertation des Ruraux
Fédération des ONG du Sénégal (FONGS – Action paysanne)
FAYOLLE G. 2012. Critique et refont de l’action des petites et moyennes ONG occidentales d’aide au développement, Université Lyon 2, Institut d’Études Politiques de Lyon, Mémoire de 4ème année Soutenu le 3 Septembre 2012
LAVIGNE DELVILLE P. 2013. « Déclaration de Paris » et dépendance à l’aide : éclairages nigériens, In Politique africaine, Karthala, n°129, p. 135-155