Visite guidée

Philippe Panerai, 2014

Monde pluriel

Cette fiche donne un exemple de projet ancien pour un habitat durable : les îlots de la reconstruction, conçus par A. Perret pour Le Havre.

Un appartement au deuxième étage, on entre par une cour-jardin assez lumineuse malgré la hauteur des immeubles qui l’entourent, car leur discontinuité laisse une grande ouverture au Sud. Quelques beaux arbres, des jeux d’enfants et des voitures garées là, sans façon, le long des bâtiments.

La liberté du plan qui se prête à des usages différents, permet des changements importants et offre des parcours multiples, est la conséquence d’un principe constructif simple : le poteau-poutre en béton armé. La portée de 6,24 m entre axe donne un bâtiment de 13 m d’épaisseur, murs extérieurs compris. La cage d’escalier contrevente la structure ; les séparations entre logements sont assurées par des murs épais, les façades sont préfabriquées, toutes les cloisons peuvent être déplacées ou supprimées.

C’est un appartement pour classe moyenne, un “produit” qui répond à une demande pour un couple avec enfants, trois chambres, 95 m2 habitables, un grand F4. Vous pouvez tous les samedis après-midi visiter cet appartement témoin. C’est au Havre, dans l’un des deux premiers îlots de la reconstruction, 350 logements projetés en 1946-47 par l’atelier de Perret achevés en 1950.

J’y suis allé un peu par hasard et j’en suis sorti soufflé et indigné. Emerveillé par l’intelligence et le soin apportés à ces logements qui semblent (sauf peut-être l’isolation thermique) avoir résolu toutes les questions sur lesquelles nous buttons depuis des années. Auguste Perret disait sa volonté de faire ici “quelque chose de neuf et de durable” et il ajoutait que le logement doit pouvoir évoluer avec la famille. La démonstration est éloquente.

L’indignation est double. D’abord par la prétention actuelle des discours teintés de bons sentiments durables mais amnésiques qui ne cessent, de réinventer l’eau tiède. Mais plus encore par l’invocation sempiternelle de la “loi du marché” qui pousse à construire une majorité de 3 pièces qui ne dépassent guère 65 m2, souvent en simple orientation pour économiser un ascenseur et gagner trois sous, avec des voiles en béton qui interdisent toute modification de la partition interne. Alors quoi, au sortir de la guerre, dans un pays dévasté par les démolitions dont l’industrie est à reconstruire, cette qualité‐là était possible!

Sources

Pour accéder à la version PDF du numéro 4 de la revue Tous Urbains

To go further

Les îlots d’Auguste Perret