Organisation et développement dans les barrios de Caracas

Caracas, VENEZUELA

Alexandra TYTGAT, Delphine DARRIGRAND de PEREIRA, 2014

Centre Sud - Situations Urbaines de Développement

Cette fiche présente l’urbanisation de Caracas, où des barrios - quartiers informels - s’intallent sur de fortes pentes, en dépit des risques et du manque d’aménités.

Appropriation d’espaces, organisation communautaire et gestion de l’aménagement dans les barrios

En zone de barrio, le statut de l’espace est difficile à cerner : espaces « libres », « poches de vide », espaces que l’on pourrait qualifier de « publics », puisque déclarés « zone verte » par le cadastre, ils n’ont pas de statut juridique privé. Leurs limites floues sont définies selon le contexte en tant que voies, places, escaliers, collectifs ou privatisés, sous le contrôle d’un nombre plus ou moins grand d’habitants.

Différentes vues du bairros de Caracas
Montage photographique : Delphine DERRIGAND DE PERREIRA, 2005-2011

Les habitants qui s’organisent pour améliorer leur qualité de vie et répondre aux carences observées font preuve d’une capacité d’analyse de ces espaces porteurs de projets regroupant divers niveaux complexes qu’il est impossible d’aborder sans eux. Au rythme de leurs appropriations successives, privés et publiques, ils ont intégré les règles propres à leur barrio, les conditions de « bon voisinage ».

Ils identifient les secteurs d’insécurité, et de tensions où le partage de l’espace non bâti et la cohabitation du privé et du public sont mis en péril ou nécessitent un soin particulier. Ils savent également si les terrains sont plus ou moins stables, car ils connaissent les épisodes dramatiques qui se succèdent au rythme des fortes pluies et des mouvements de sol capables d’effacer si rapidement la vie de plusieurs familles. Cependant, malgré les recommandations, de nouveaux habitants continuent d’envahir les terrains laissés vides et à haut risque.

Différentes vues du bairros de Caracas
Montage photographique : Delphine DERRIGAND DE PERREIRA, 2005-2011

Les habitants leaders des organisations communautaires ont une connaissance et une compréhension des instances administratives variées capables d’activer les fonds nécessaires qu’il est difficile d’égaler. Ce sont les acteurs les plus importants de la construction de la nouvelle urbanité du barrio.

Les services et aménagements réalisés en participation

Ainsi, l’équipement en services de santé se fait dans le cadre d’un plan national, tel que la mission Barrio-Adentro, de même que d’autres missions sociales. L’originalité de ce dispositif réside dans le fait que l’aménagement de locaux est identifié par les habitants.

La réalisation de réseaux de canalisations, d’eau, de gaz et d’électricité est coordonnée quant à elle aujourd’hui avec les grandes entreprises nationales avec les comités organisés des communautés. C’est une des collaborations les plus consolidées qui a vu de nombreuses avancées et sert d’exemple à d’autres secteurs.

Concernant les routes carrossables et les aménagements de consolidation du sol (murs de soutènement et autres), c’est la municipalité qui est normalement en charge et exécute les travaux avec ses propres experts et techniciens. La collaboration avec les coopératives locales se met difficilement en place, et ces travaux représentant de lourds investissements sont soumis aux aléas de la compétence administrative inégale et de la corruption.

Pour la réhabilitation et la construction de voies, chemins ou escaliers, il existe des programmes institutionnels pilotes spécifiques dans certains barrios où œuvrent également des équipes composées de fonctionnaires, mais aussi des apports qui se réalisent par la mise à disposition de matériaux.

La création des conseils communaux

Concernant d’autres types de projets, tels que par exemple la réalisation d’équipement sportifs, les budgets peuvent venir de diverses participations ministérielles ou institutionnelles. Si la récente création des Conseils Communaux prévoit d’en faire un organe recevant directement des fonds pour la gestion de tous types de réalisations, les conditions de leurs relations avec les institutions et les modalités d’attribution ne sont pas encore très claires. Si les voies d’accès aux ressources financières semblent nombreuses et confuses, elles se concrétisent en fonction de la débrouillardise, la capacité d’information et la réactivité des habitants.

Les demandes de fonds pour la construction de ces projets s’accompagnent d’un dossier réalisé par les communautés, aujourd’hui Conseils Communaux, qui présente généralement un diagnostic de la situation actuelle (avantages et désavantages), un bilan des bénéfices et l’impact social qui justifient la demande, et la liste ou les plans des actions à réaliser.

Différentes vues du bairros de Caracas
Montage photographique : Delphine DERRIGAND DE PERREIRA, 2005-2011

L’agriculture urbaine, porteur du développement d’un quartier autoproduit

Le Venezuela : superficie de 916 445 km2 avec une population de 29 millions d’habitants. Le pays s’est très fortement urbanisé depuis les années 50. Aujourd’hui, 87,4 % de la population du pays est considérée comme urbaine.

Densité

Caracas est peuplé de 4,8 millions d’habitants. 60 % vit en zone de barrios, selon Teolinda Bolivar ou Michel Guerrero. La densité résidentielle dans les barrios s’évalue entre 250 et 500 habitants par hectare contre 50 à 100 habitants par hectare dans les quartiers dits « formels ». Le type de barrio le plus courant à Caracas est celui situé sur des terrains en pente parfois supérieur à 40 %. Le sous-sol est constitué de roches qui se météorisent sous l’action des agents atmosphériques aussi bien que sous l’effet des constructions de baraques, transformées, avec le temps, en maisons « liées à la colline comme le calice à sa tige. De loin, l’ensemble forme un paysage pittoresque…» (T. Bolivar, 1995)

La Estrella

Le quartier autoconstruit en question est situé au sud-ouest de la ville de Caracas, dans la zone « péri-urbaine » de Caracas.

Sa position à l’échelle métropolitaine : le barrio est situé dans la municipalité de Libertador. La Estrella est un barrio jeune, qui a été créé en 2002. Il occupe une topographie particulière avec une pente très forte (environ 40 %). Il se compose d’une centaine de baraques appelées ranchos sur une petite surface de 70 000 m2. Il y a une centaine de familles, soit environ 90 maisons, mais aussi une école primaire et des petits commerces. 50 % des occupants sont d’origine rurale.

La communauté a conscience du risque de densification du barrio. Elle se protège et ne permet pas l’arrivée de nouveaux habitants sans le consentement de tous.

Le logement est en processus de consolidation. Première étape, la baraque faite en bois, en carton, en zinc, ou en terre. La seconde étape repérée dans le barrio est caractérisée par une consolidation de l’habitat, et par l’utilisation de briques en terre crue ou cuite.

Ce barrio dispose de beaucoup d’espaces verts dont les habitants font notamment un usage agricole. Cette production revêt plusieurs formes : ils cultivent des potagers attenants à leurs maisons, ils produisent des bananes, du café, de la canne à sucre, de l’avocat et élèvent des animaux, des cochons, des poules. Les terrains agricoles peuvent être partagés entre plusieurs habitations. Leurs projets concernant l’agriculture sont l’implantation de coopératives agricoles.

En 2003, le Venezuela, soutenu par la FAO, a lancé un vaste projet d’agriculture urbaine. Le gouvernement a créé 4000 micro-jardins dans les quartiers pauvres de Caracas et 20 coopératives horticoles en ville et aux abords. Ce programme spécial de sécurité alimentaire PESA a été mis en place dans les zones urbaines et péri-urbaines. L’objectif du Venezuela serait d’atteindre 100 000 micro-huertos.

Intentions de projets

L’agriculture, portée par la communauté, pourrait devenir moteur de développement du barrio. Comment le développement de l’agriculture pourrait-il être porteur du développement du barrio  ? De ces choix de la communauté dépendent la possibilité de conserver des terrains permettant le développement de l’agriculture et donc de les protéger de la construction. Pourrait-on préserver certains terrains vierges par l’implantation de fermes agricoles ? Mettre en relation les organismes susceptibles de fournir des micro-crédits à certains habitants dans le but de créer des coopératives agricoles ?

Referencias

« Composer l’espace physique de l’expression de la citoyenneté, Le Centre Communautaire Intégral du Secteur El Valle, Caracas, République Bolivarienne du Venezuela », TPFE dir. A. Deboulet et P. Revault, pôle ASM, 2007

« L’agriculture urbaine, porteuse du développement d’un quartier auto-construit : », PFE, sous la direction de C. Secci, A. Deboulet, M. Sineus, pôle ASM, 2009. Premier « terrain » réalisé dans le cadre de l’Atelier de M. Bourdier et C. Secci à Caracas en 2008.

Para ir más allá

Julien Rebotier. Les territorialités du risque urbain à Caracas. Les implications d’un construit socio-spatial dans une métropole d’Amérique latine. Géographie. Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III, 2008. Français